dimanche 30 septembre 2012


                                                  À la Bien-Aimée

                                                            
Vous êtes mon palais, mon soir et mon automne,
Et ma voile de soie et mon jardin de lys,
Ma cassolette d’or et ma blanche colonne,
Mon par cet mon étang de roseaux et d’iris.

Vous êtes mes parfums d’ambre et de miel, ma palme
Mes feuillages, mes chants de cigales dans l’air,
Ma neige qui se meurt d’être hautaine et calme,
Et mes algues et mes paysages de mer.

Et vous êtes ma cloche au sanglot monotone,
Mon île fraîche et ma secourable oasis…
Vous êtes mon palais, mon soir et mon automne,
Et ma voile de soie et mon jardin de lys.

                    Renée Vivien
LE SPHINX LESBIEN



Hautes, lourdes du cul, grassement tétonnées,
Elles s'en vont indolemment, tous poils dehors,
Et la maturité superbe de leurs corps
Frissonne sous leurs mains longuement promenées.
La tiède nuit lunaire a bleui leur blancheur.
Sur le bancc du rond-point, plus propice à la halte,
Un désir les unit qui murmure et s'exalte,
Préparant leur prurit d'un long baiser lécheur.
A les voir dans le vague éclat de la clairière,
L'une dressant le torse et l'autre se courbant
Croupe tendue, on imagine au bord du banc,
Un beau monstre éperdu qui regarde en arrière.

Convergences par Anonymus (1931)

FURIEUSEMENT

 

Je veux te prendre, toi que je tiens haletante
Contre mes seins, les yeux de noirs de consentement ;
Je veux te posséder comme un amant,
Je veux te prendre jusqu’au cœur !…Je veux te prendre !…

Ah ! rouler ma nudité sur ta nudité,
Te fixer, te dévorer les yeux jusqu’à l’âme,
Te vouloir, te vouloir !… Et n’être qu’une femme
Sur le bord défendu de la félicité !…

Et m’assouvir d’une possession ingrate
Qui voudrait te combler, t’atteindre, t’éventrer,
Et qui n’est rien qu’un geste vain d’ongle fardé
Fouillant de loin ta chair profonde et délicate !…


Lucie Delarue-Mardrus
LES DEUX SŒURS OU LE CAS DE CONSCIENCE 
 
 
 

Zoé, de votre sœur cadette,
Que voulez-vous entre deux draps ?
Que sans chemise je me mette ?
Fi ! ma sœur, vous n'y pensez pas.
Mais à vos fins vous voilà parvenue,
Et vous baisez ma gorge nue ;
Vous me tiraillez,
Vous me chatouillez,
M'émoustillez ;
Mais au fond ce n'est rien,
Je le sens bien ;
Mais au fond ce n'est rien.

Pour vous en prendre à notre sexe,
Avez-vous mis l'autre aux abois ?
C'est peu que votre main me vexe,
Vous usez pour vous de mes doigts :
La tête aux pieds la voilà qui se couche ;
Ciel ! où mettez-vous votre bouche ?
Ah ! pour une sœur ,
Quelle noirceur !
Quelle douceur !
Mais au fond....

Rougirions-nous ? je le demande,
Si nos amants pouvaient nous voir ?
Pourtant il faut que je vous rende
Le plaisir que je viens d'avoir.
Je m'enhardis ; car jamais, que je ne sache,
Je n'ai baisé d'homme à moustache.
Ah ! nous jouissons
Et des garçons
Nous nous passons.
Mais au fond...

Ne croyez pas que je contracte
Ce goût déjà trop répandu,
C'est bon pour amuser l'entr'acte
Quand le grand acteur est rendu.
Ce que je crains, ô sœur trop immodeste,
C'est d'avoir commis un inceste ;
Peut-être est-ce un cas
Dont nos prélats
Ne parlent pas
Car au fond ce n'est rien,
Je le sens bien ;
Car au fond ce n'est rien.
SONNET, POUR MADEMOISELLE GODEFROY



Aimable Godefroy, vous estes redoutable,
Vos beaux yeux sçavent l'art d'ôter la liberté.
Ils ont de la douceur, ils ont de la fierté
Et leur brillant éclat n'a rien de comparable.
Le tour de vostre esprit paroist inimitable,
Qui pourroit se lasser d'admirer sa beauté,
Il est fin, délicat et remply de bonté,
Et l'on voit dans vostre air un charme inévitable.
Mon cœur qui tant de fois se deffendit d'aimer,
Connut que malgré luy vous l'alliez enflâmer,
Par vos attraits puissans, mon ame fut surprise,
Et je sentis pour vous certain je ne sçay quoy,
Que mes brûlans soûpirs vous dirent mieux que moy,
Au moment qu'à vos pieds je perdis ma franchise.
 
Mlle de Lauvergne
ACROSTICHE
        D'un air tout engageant et tendre,
Une Beauté si rare attaqua ma fierté,
        Pouvois-je aisément me deffendre,
        Amour estoit de son côté,
Rien ne peut s'empescher d'aimer et de se rendre,
Quand on voit d'un party l'Amour et la Beauté.

Mlle de Morville